UNE HISTOIRE DE PIANOS- portrait d’une collection

L’histoire de cette collection nous conduit à la Croix-Rousse, montée Saint-Sébastien. Ici, dans la Résidence Villemanzy, plus d’une vingtaine de pianos anciens sont sous les yeux des clients et visiteurs. Tous appartiennent à René Di Rollo, amoureux des pianos. Le restaurateur a réuni ici une partie de sa collection qui compte plus de 200 pianos, éparpillés dans des lieux divers. La préciosité de ces instruments ainsi que leur histoire contribuent à rendre remarquable cette collection qui va du début du XVIIIe jusqu’au milieu du XXe siècle.

 

piano5Le restaurateur-conservateur
René Di Rollo a une admiration sans bornes pour les pianos et leur mécanique. Depuis son plus jeune âge, il les contemple et les admire. A la recherche de tous les pianos oubliés de l’histoire, il arpente les salles des ventes, les brocantes et même les décharges publiques
« Je passais là par hasard quand j’ai vu un meuble en train de se consumer au milieu d’un tas d’immondices. Je suis toujours à la recherche de beau bois pour réparer mes pianos. Je m’approche, en m’enfonçant dans les tomates pourries jetées par les agriculteurs du coin, quand je découvre avec stupeur un piano complet ».
De rencontres en rencontres, il s’initie à la mécanique et à la restauration, en faisant des stages chez tous ceux qui ont un savoir-faire et qui acceptent de le transmettre. Tout se fait dans l’amour des belles choses et du beau travail. « Il n’y avait pas d’école pour apprendre ces métiers, le savoir se transmettait de maître à élève ». Depuis toujours, Il récupère, entasse, empile, recolle, remet en état les pianos et leur histoire. Que cachent-ils sous leurs vieilles dorures ?

 

Le piano mystérieux

piano3
Actuellement il restaure un piano de 1782. Dans la remise, l’objet délabré attendait son tour pour une possible restauration. Ce temps venu, sa mécanique s’avère de qualité, clavier de 88 touches en bel ivoire, marteaux en feutre, les derniers en cuir de buffle. Petit à petit les ciselures apparaissent sous le stylet du restaurateur, les dorures reprennent de l’éclat. Le piano reprend forme quand soudain apparaît, caché sous la caisse, un cachet de cire sur lequel sont gravés couronne et chiffres. C’est là que l’aventure commence. Le restaurateur se lance sur la piste du piano mystérieux. Que représente ce sceau, en mauvais état lui-aussi ? A qui a appartenu ce piano rappelant le clavecin, quel virtuose, quel personnage illustre, pour quelle grande manifestation ? A partir du numéro du piano, dans les archives de la maison Erard, il retrouve la trace de 2 autres pianos de concert ; identiques, tous 3 construits la même année. piano2La fabrication de pianos de concert n’étant pas une affaire courante, la fabrication en série interpelle. Le nom d’un des acheteurs est celui du comte Valéry, armateur. De documents en documents le restaurateur est mis sur la piste de l’exposition universelle de qui eut lieu à Vienne en 1873. Les 3 pianos de concert ont-ils été fabriqués pour cette exposition ? Comment celui-ci s’est-il retrouvé dans les objets sans valeur d’une salle des ventes ? L’enquête avance mais l’énigme résiste.

 

Le piano, fabrication complexe

Voir animation sur le site http://classic-intro.net/introductionalamusique/classique_fichiers/meca2.swf

Le piano est un instrument à clavier et à cordes frappées. Il est en même temps classé dans les percussions et dans les cordes. Son nom provient d’une abréviation de  » pianoforte  » et son origine peut remonter à la haute Antiquité, dans le monocorde de Pythagore, le psaltérion et le tympanon. L’instrument moderne prend ses quartiers de noblesse après la Révolution, en même temps que l’émergence d’une nouvelle classe, la bourgeoisie. « Chaque intérieur se devait d’exposer un instrument souvent joué par les jeunes filles de la maison». Les facteurs (fabricants de pianos) et les compositeurs ont travaillé ensemble sur la modernisation de l’instrument pour le rendre plus « rond », plus puissant et plus virtuose. Liszt et Chopin ont d’ailleurs contribué à la célébrité des maisons Erard et Pleyel qui n’hésitent pas à mettre leurs noms en avant pour servir la marque.
Les ébénisteries ont suivi les modes. Tout est beau, il n’y a rien à jeter. Paradoxalement l’instrument est victime de sa complexité. Les éléments de sa mécanique ne vieillissent pas toujours bien et se voient dépassés par l’avancée technologique. Le pianoforte subit de nombreux changements. Les marteaux en cuivre sont remplacés par des feutres, le cadre en bois par du métal, le cuir par des matériaux plus solides. C’est une longue évolution. Avec les cordes en acier et une précision de l’usinage, sans aller jusqu’au plastique utilisé par certaines marques étrangères, on constate une avancée qui ne permet plus à tous les pianos anciens de correspondre à la demande de la musique, même celle des compositeurs du XIXe. Alors pourquoi conserver ces pianos si la musique en pâtit? « Pour leur beauté, leur témoignage d’un savoir-faire et de notre histoire de la musique .N’oublions pas que tout un répertoire a été composé pour cet instrument ; celui de la musique romantique ! «
Que va devenir la collection ?
La collection, plus de 200 pianos, est magnifique mais dispersée dans des châteaux, des petits musées, des résidences, pas toujours aptes à la bonne conservation des instruments (air trop sec des salles surchauffées). René Di Rollo, le restaurateur passionné, aurait aimé la regrouper dans un lieu unique où les visiteurs pourraient cheminer à travers les instruments et comprendre leur mécanique dans un atelier reconstitué. Un espace ouvert à tous : musiciens professionnels ou amateurs, restaurateurs, élèves du conservatoire, chacun profitant du savoir-faire ou des compétences des uns et des autres, en partenariat avec le Conservatoire National de Musique, l’ENM de Villeurbanne, du CNR de Lyon, sans oublier le Musée des Arts Décoratifs qui possède des instruments de musique et des illustrations rares sur la facture instrumentale.
Le public se passionne de plus en plus pour la musique ancienne. A l’occasion de concerts, de présentation d’instruments, il pose de nombreuses questions concernant l’évolution de la mécanique, le jeu, la fabrication et le fonctionnement. Lyon, carrefour européen, a en même temps un grand potentiel touristique et de nombreuses friches susceptibles de recevoir cette collection représentative de la facture française. Autant de raisons et de lieux pour la création d’un pôle regroupant tous ces acteurs pour des initiatives croisées. René Di Rollo a déjà proposé à la mairie d’installer sa collection dans l’église Saint-Bernard (qui est sécurisée depuis). Il a cherché à donner sa collection dans les musées, mais Il s’est toujours heurté à des portes qui sont restées fermées ou à un désintérêt notoire. Laisserons-nous partir cette idée et ces instruments chez nos voisins outre Atlantique ou autres, plus sensibles au Patrimoine Musical ?

 

Rencontre avec une croix-roussienne
Témoignage : « A la fin des années 90 et début 2000, un atelier de restauration de pianos existait à l’angle de la rue Bodin et de la montée Saint-Sébastien. Chez René Di Rollo, on répare, restaure et, bichonne les pianos. Quand j’entre dans l’atelier, l’odeur. L’artisan m’écoute, me montre son travail, puis me convie à la visite de son entrepôt qui se situe juste en face, dans l’église Saint-Bernard. Le lieu est sombre et poussiéreux. Quelques pigeons ont fait leur nid dans les hauteurs. Des claviers, des caisses, des pieds, des pupitres sont là en attente de réparations. C’est alors que je suis conduite devant un chevalet posé sur le sol dans le sens vertical. Le restaurateur m’incite à écouter le son de la corde qu’il pince. Un son clair monte dans la nef jusqu’au cœur où il va s’éteindre dans une longue résonnance. « je pense que c’est un bon piano et qu’il mérite d’être remis en état. Toutes les pièces sont là. C’est un Pleyel ». La magie opère, je tombe immédiatement amoureuse du piano, c’est le mien, je le reconnais. Depuis cette époque, je ne le quitte plus et nous partageons ensemble de nombreux moments musicaux. »

* JB

 

Author: LaFicelle

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2 Comments

  1. Bonjour,

    J’ai lu l’article de votre magazine sur René di Rollo. Il se trouve que nous avons un vieux piano, et je me disais qu’il pourrait l’intéresser: y a-t-il moyen de le contacter? Sachant que ce piano est en Savoie (Tarentaise) et qu’il serait à récupérer d’ici fin octobre (après ce sera trop tard). Merci de votre réponse rapide.
    Bon week-end.

    Cordialement,

    Mme Evano

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  2. Bonjour j ai un piano d église ancien a parament je voudrer savoir si sa vous intéressé merci d avance.

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