Le theorbe

LE THEORBE

« Un instrument fascinant »

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Le grand luth à la résonance douce et grave, égraine  les notes de la mélodie. La musique est simple, rythmée et cadencée. Une musique lumineuse qui évoque des temps anciens. Epoque baroque, basse continue et théorbe, un vocabulaire qui demande des éclaircissements.

Frédéric Deschodt, théorbiste, nous en parle.

 

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« Le théorbe fait partie de la famille des luths, avec comme  particularité son double manche. L’instrument qui date de la fin du XVIe siècle a été conçu en Italie à la demande des musiciens pour obtenir des sons plus graves. Au-dessus du cheviller à 8 cordes du luth que l’on nomme « petit jeu » a été ajouté un second cheviller à 6 cordes,  le « grand jeu ». Ce sont des cordes libres qui ne subissent pas de modifications au cours de la « réalisation ».  Elles ont leur note définitive. Le son est grave et résonnant.  Le « petit jeu » a aussi sa particularité dans l’absence de notes aiguës. Celles-ci ayant nécessité trop de tension sur le manche en bois fragile, ont été remplacées par leur son équivalent à l’octave du dessous et  situées au milieu du manche et non pas à l’extrémité comme le voudrait la logique de l’arpège.

Le jeu de l’instrument est pour cela très particulier par rapport aux autres instruments à cordes pincées.

 

Qu’entendez-vous par réalisation et quel est le registre musical de l’instrument ?

Réaliser une basse, une grille, c’est noter intégralement ou interpréter instantanément les accords correspondants à une ligne de basse chiffrée.

L’instrument  excelle dans l’accompagnement des voix.  Sa création se situe à la fin de la Renaissance et marque un renouveau du registre musical. A la musique polyphonique du XVe siècle et à sa structure très complexe, aux voix qui se croisent en résonance, succède une musique plus simple, aux notes détachées et aux grands arpèges. La tessiture, c’est-à-dire l’échelle des sons donnée par l’instrument, est étroite mais accompagne harmonieusement la mélodie.

Dans toute cette période baroque, l’accent est mis sur l’émotion, le théorbe s’y prêtant très bien. Pour un passage un peu dramatique, la profondeur des graves du théorbe apporte le vibrato nécessaire à l’expression de l’émotion… Dans un opéra, quand la soprano entame son chant, très souvent le théorbe est choisi pour l’accompagner.  Il peut aller chercher des sons graves, très profonds. Quelquefois dans un opéra, un pupitre de théorbes  de huit ou dix instruments jouant ensemble, accompagne et rythme l’œuvre. C’est la basse continue.

 

Pouvez-vous nous éclairer sur la notion de basse continue et sur la particularité de la musique baroque ?

Le XVIIe siècle est à l’invention, et la plus caractéristique de cette époque « baroque » est celle de la basse continue, ou continuo. Elle désigne une partie comprenant la basse et une réalisation improvisée.  Elle est plutôt confiée au clavecin mais aussi au violoncelle,  à la basse de viole ou au théorbe.

Les partitions se sont simplifiées. Souvent sous la mélodie une seule note grave marque l‘accompagnement laissant toute liberté à l‘interprète pour improviser les notes intermédiaires. Les compositeurs ont plus tard chiffré leur partition pour éviter des débordements trop éloignés de la composition initiale. Un accord chiffré situé au-dessus de la note basse mentionne les accents ou éclairages à favoriser.A partir de cette base chiffrée, toutes les improvisions sont possibles en respectant la trame initiale. L’improvisation est essentielle dans la musique baroque. L’important est d’exécuter  la partie basse  tout en jouant les notes correspondant aux chiffres qui sont les « couleurs » qu’il faut entendre.

On réalise la basse continue et on crée des arrangements, on ajoute des instruments,  pour adoucir ou appuyer certains passages ou certaines notes, c’est l’orchestration.

La musique baroque est un style qui se répand en Europe au XVIIe siècle, avec comme maîtres Monterverdi, Bach, Vivaldi, Haendel, mais aussi d’autres comme Scarlatti, Teleman, Couperin, Rameau, Marin Marais. La période est riche en compositions nouvelles : opéra, oratorio, cantate, suite, sonate…et ce qui la caractérise c’est l’importance du contrepoint. Il faut entendre par là, un ensemble de règles de composition reconnues comme ayant une valeur esthétique. C’est une musique où les notes jouées simultanément ou en écho,  s’accordent point contre point. Les mélodies se superposent, ou se répondent, toutes sont à égalité et les combinaisons nombreuses C’est une musique qui joue les oppositions entre les notes tenues ou courtes, graves ou aiguës, entre un soliste et les autres instruments. C’est une musique savante.

Marin Marais a écrit pour basse continue.

Marin Marais- Basse continue

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Comment l’idée de jouer du théorbe vous est-elle venue ?

J’ai d’abord commencé à apprendre la guitare. Des études classiques, école de musique, conservatoire. Puis j’ai eu envie de voir autre chose de plus convivial, de moins renfermé sur soi-même. J’avais besoin de jouer avec d’autres et surtout de me fondre dans un groupe. Un ami m’a conseillé le théorbe, cet instrument discret et mélodique qui semblait pouvoir me convenir. Théorbiste lui-même, il m’a convaincu de la beauté de l’instrument et des sons qui en émanent. Depuis je suis tombé amoureux de ce grand luth, il est fascinant. Aujourd’hui j’inaugure un nouveau théorbe confectionné par les soins d’un luthier de la Croix-Rousse. Le bois utilisé est le palissandre qui donne une bonne projection à l’instrument. Je le découvre. Il a un son superbe.

Jouez-vous  avec d’autres musiciens ? Faites-vous partie d’un groupe ? Quel sont vos projets ?

Je fais partie d’un ensemble de musique séfarade qui s’appelle Trobaïritz, le nom donné aux femmes troubadours du Moyen-âge. On considère que les femmes ont joué un rôle important dans la transmission orale des chants séfarades de l’époque, ce sont souvent des chants qui parlent de fêtes, de leur préparation, des scènes de la vie quotidienne et aussi des recettes de cuisine. Un des chants raconte 7 manières de cuisiner les aubergines.

On joue la musique séfarade du XIIIe, XIVe siècle, celle de l’Espagne, à l’époque où  chrétiens,  musulmans et  juifs vivaient en harmonie.

Les échanges culturels étaient riches. Tous les chants sont composés en ladino, une langue médiévale faite de dialectes que l’on retrouve encore dans certaines régions. C’est une musique qui a beaucoup voyagé. Les séfarades s’étant fait expulser au XVe siècle, les chants ont été enrichis par l’influence des pays traversés et des terres d’accueil.  Des chants traditionnels aux accents arabo-andalous qui se retrouvent dans la culture populaire. C’est une musique très dansante et variée, c’est un vrai régal de l’interpréter. Ce projet a été initié par Rebecca Roger,  qui est spécialiste de la musique médiévale et nous sommes trois hommes sous sa direction. Je joue du  théorbe et de la guitare baroque, Tomy Jaunin est aux percussions et Elie Ossipovitch à la viole de gambe. Nous cherchons à restituer, sur nos instruments, et avec la voix de Rebecca, l’âme de cette musique et toute l’émotion qu’elle contient. Jouer la musique de cette époque, témoin de cette riche cohabitation,  est aussi un message de paix et d’espoir.

Ensemble Trobairitz

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Nous nous sommes produits lors du festival « Quand les souris dansent » qui a eu lieu fin mars à La Croix-Rousse. Nous sommes en train d’enregistrer notre premier disque qui sortira en juin. Nous jouerons le 25 mai à Agendart rue de Belfort Lyon4. Nous faisons aussi partie des rencontres musicales de Pérouges, en costumes d’époque dans l’abbatiale, en juin 2017.

Un autre projet est en train de voir le jour.  Je travaille, ainsi que d’autres musiciens, avec une actrice qui crée une pièce musicale. Pendant qu’elle joue ses scènes dans des costumes différents, nous l’accompagnons : viole de gambe et percussions. Elle n’est pas toujours d’accord avec le registre musical ou le choix de l’instrument. Par exemple l’utilisation de l’accordéon dans la musique baroque, ça peut surprendre, mais on discute, on argumente, et surtout on s’amuse beaucoup.

 

 

Author: LaFicelle

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