DU COLLEGE DE LA TRINITE AU LYCEE AMPERE

 

 Passerelle du Collège et Collège de la Trinité, ou Grand-Collège, actuellement lycée Ampère –

 

De la petite école des bords du Rhône au Grand Collège, une histoire consulaire, jésuite, oratorienne, municipale, et la naissance de la  Bibliothèque Municipale de Lyon.

Le Collège de la Trinité, fut le lieu de rassemblement de plusieurs enseignements depuis le XVIe siècle « oscillant entre directions municipales et directions religieuses » (1)  avec des périodes mouvementées, avant de devenir le lycée Ampère.

Les débuts (1519)

Sur les bords du Rhône, dans le secteur de la rue Neuve,  une petite école s’installe. Créée par la Confrérie de la Trinité, elle dispense son enseignement pour les enfants des confrères, puis ensuite  à tous.  Plus tard, le Consulat de Lyon décide de doter la ville d’un Collège municipal pour un enseignement supérieur de qualité. Les Trinitaires consentent à céder leur terrain « un grand tènement, granges et jardins »(2) où est installée l’école, moyennant quelques contraintes. Il s’agit de garder le nom de « La Trinité », d’accepter gratuitement les élèves démunis  et de réciter quotidiennement quelques prières en mémoire des membres de la confrérie, vivants ou morts.

Période consulaire laïque (1527-1565)

Le Collège de la Trinité va connaître des moments difficiles. Des problèmes financiers consécutifs à la remise en états des locaux, l’instabilité du corps enseignant sans statut auxquels s’ajoutent les mauvaises conditions de travail et les épidémies de peste,  génèrent l’indiscipline et la violence qui vont entraver le bon fonctionnement de l’institution.

Après l’assassinat d’un des professeurs, les échevins demandent à Barthélémy Aneau, professeur de rhétorique,  de redresser l’établissement.

En 1540  celui-ci accepte le poste de Principal mais refuse la répression

«  qui ferait du Collège une  geôle de jeunesse captive  et propose une pédagogie moins scolaire. Il va choisir à Paris de nouveaux professeurs, met en place un enseignement progressif qui respecte les capacités des enfants selon leur âge, promeut l’enseignement du français pour les plus petits et ensuite seulement l’enseignement des langues mortes, le grec en premier, favorise l’expression par des représentations théâtrales de fin d’année en français, éveille les jeunes à la musique, encourage le jeu et l’exercice physique : il se situe ainsi dans la ligne des Humanistes du siècle. Il n’y a pas d’enseignement religieux proprement dit, sinon par l’étude des textes anciens » *

. Un programme nouveau qui accorde au français une place fondamentale, chose inédite pour l’époque. Ecrivain et traducteur, il est aussi correcteur à l’imprimerie Gryphe, il côtoie les intellectuels lyonnais, participe à l’édition des livres de Rabelais, Dolet, Marot, Scève. Un Principal d’établissement humaniste qui va être soupçonné de véhiculer les idées des Réformés, censurées par l’Eglise. On lui reproche « des idées modernes,  dangereuses pour la foi catholique »*. C’est une époque troublée où protestants et catholiques s’affrontent,  chaque partie accusant l’autre d’accaparer le pouvoir. Après la tentative de prise de la ville par les Réformés en 1560, suivie de l’exécution d’un profanateur du Saint-Sacrement lors d’une procession passant devant le Collège, la foule, cherchant un coupable, s’en prend à Aneau qu’elle lynche à mort à la porte de l’établissement.  Cet évènement provoque le désordre dans l’institution. Les professeurs ayant peur de finir comme leur directeur quittent le Collège. Les effectifs diminuent. Une longue période de désorganisation va suivre, aggravée par une épidémie de peste qui sévit à Lyon. A la suite de la mort du nouveau directeur, victime du fléau, les professeurs sont de plus en plus difficiles à recruter. Le Consulat fait alors appel en 1565 à la Compagnie de Jésus dont la réputation de perfection pédagogique et non suspecte d’hérésie, laisse espérer un retour du niveau d’enseignement que le Collège a connu à l’époque d’Aneau.

 

Période Jésuite (1565-1762)

L’engouement de la population pour l’enseignement promulgué par les Jésuites a permis le développement de leur action dans toute la ville. Plusieurs établissements leur sont confiés comme celui de Notre-Dame  ou Petit-Collège (emplacement  de l’actuelle mairie du 5eme).  Un enseignement rigoureux, une méthode d’apprentissage et « une foi robuste [..] capable de résister à la propagande protestante »*,  mettent au premier plan le Collège de la Trinité qui prend le nom de Grand-Collège. En 1765 il compte mille-deux-cents élèves et trois-cents théologiens (1). Un enseignement classique « avec le trivium (grammaire latine, rhétorique et dialectique), le quadrivium (arithmétique, géométrie, astronomie et musique), les droits, la médecine et la théologie »(1).  Le latin, considéré comme une langue vivante, devient la langue parlée obligatoire à l’intérieur du collège. « Il faut égayer les esprits si l’on veut qu’ils s’éveillent »*. A cet enseignement est ajouté le catéchisme et l’obligation d’assister aux offices plusieurs fois par semaine dans la chapelle attenante. Un niveau d’étude élevé et des spectacles « édifiants d’activités intellectuelles »(1) sont organisés, ballets, pièces de théâtre en vers créés et joués par les élèves sous la responsabilité de Claude-François Ménestrier, jésuite, professeur de grec, historien de la musique et chorégraphe. L’enseignement scientifique est à l’honneur avec l’édification d’un observatoire. Le Grand-Collège prend une renommée européenne et  accueille de nombreuses personnalités venues consulter les ouvrages de la riche bibliothèque et « la perspective admirable sur le Rhône ». (1)

Des agrandissements sont alors nécessaires pour abriter la bibliothèque, les logements des Pères et le pensionnat. Plusieurs maisons, de l’autre côté de la rue Neuve, sont annexées au collège nécessitant la construction d’un passage voûté (aujourd’hui rue Ménestrier) reliant les corps de bâtiments. Les pensionnaires sont issus en général de familles riches ou nobles, certains bénéficiant de chambres particulières avec cheminée.

L’admiration que suscitent l’institution et son développement semble avoir accéléré la chute des Jésuites. En grande partie confesseurs des rois de France, les Pères de la Compagnie en subissent les discrédits au cours des luttes entre catholiques et protestants. L’impopularité d’Henri III, l’assassinat du duc de Guise, la prise de pouvoir d’Henri IV protestant, sèment le trouble dans la ville qui oscille entre les deux parties. Après avoir appartenue à la Ligue, celle-ci se range aux côtés du roi converti au catholicisme, pour son entrée dans la ville en 1595. Refusant de reconnaître le souverain, les jésuites sont interdits de prêche et de confession. Menacés d’expulsion, ils peuvent encore enseigner sous bonne garde des soldats, ce qui ne favorise pas la qualité des études. Le Grand-Collège se vide de ses professeurs et étudiants, puis les jésuites sont chassés. Cependant après avoir banni l’Ordre, Henri IV accorde de nouveau le droit aux jésuites de revenir professer. Le Grand-Collège retrouve ses effectifs et le haut niveau d’enseignement jusqu’en 1762.

Les conflits ne sont cependant pas terminés. Après la guerre des religions succèdent les problèmes politiques. Les jésuites du Grand-Collège, à la suite de publications dénonçant les pratiques jansénistes, sont soupçonnés d’allégeance avec le Pape, considéré comme souverain étranger. Le Père jésuite de La Chaise**, confesseur du roi Louis XIV, réussit à adoucir le conflit, mais l’interdiction de communication avec la papauté est maintenue. Cette mésentente avec le roi amplifie l’hostilité déployée par les élites de la ville envers les jésuites. Ceux-ci, reclus entre les murs du Collège, sont insultés par la population, tandis que  tous les écrits de l’Ordre sont brûlés sur la place publique, ainsi que les publications jansénistes d’ailleurs. Ils sont définitivement expulsés sous Louis XV. La plupart des collèges français sont supprimés, cependant le Grand-Collège, considéré comme municipal depuis sa création, peut continuer son enseignement sous l’égide du  Consulat qui en reprend la direction et devient propriétaire de tous les biens. Les Prévost, membres du Consulat, créent le Bureau des Collèges pour organiser leur bon fonctionnement. Celui-ci soucieux de remettre les collèges entre des mains expertes, fait appel aux Oratoriens pour le Grand-Collège, et aux Pères de Saint-Charles pour le Petit-Collège.

 

Les oratoriens (1763-1789)

A la suite de la Compagnie de Jésus, les oratoriens reprennent la direction du Grand-Collège et continuent l’activité enseignante jusqu’à la Révolution. Un enseignement traditionnel où les mathématiques, la maîtrise de la langue et l’étude des textes en sont les bases, le français  étant désormais considéré à l’égal du latin (2). Une large place est faite aux sciences dans les classes supérieures. Les oratoriens, soucieux de s’impliquer dans la vie des lyonnais,  continuent les événements publics, spectacles, conférences et remises des prix mais ne développent pas le collège comme les jésuites ont pu le faire pendant deux siècles.

La municipalité et la congrégation gèrent le Grand-Collège, deux entités qui n’ont pas toujours les mêmes objectifs. Le supérieur de l’Oratoire nomme le personnel  validé (ou non) par le bureau et  l’archevêque. Pour financer le fonctionnement de l’établissement, les oratoriens entreprennent de vendre les biens du collège ce qui entraîne une polémique avec la municipalité qui met sous scellés les meubles et la bibliothèque. Un conflit qui ne cessera qu’avec  la période révolutionnaire.

 

Le Grand-Collège redevient laïc ( de1789 à nos jours)

La loi de 1789 qui supprime les congrégations permet au Bureau d’appliquer la réforme de l’enseignement inspirée par Condorcet : des cours libres, publics et ouverts à tous contenant latin, français, géographie, mathématiques, physique, chimie, histoire naturelle, morale,  ainsi que dessin, médecine, agriculture, chirurgie, langues étrangères. Le personnel est renouvelé. Cet «  institut d’éducation publique » n’a pas le temps de faire ses preuves car Lyon se trouve au milieu d’évènements politiques de grande ampleur. En 1793 pendant le procès du roi Louis XVI, un mouvement contre-révolutionnaire fait apparaitre Lyon comme une ville rebelle. La ville assiégée subit une répression brutale. Des milliers de personnes sont tuées. Les scellés sont posés sur la porte de la bibliothèque. Le bâtiment subit de nombreux  dommages dus aux bombes et aux boulets : des toitures et des plafonds s’effondrent, des livres  rares et des objets scientifiques sont victimes du feu ou des projectiles.

Tout enseignement public est interrompu jusqu’à l’ouverture, en 1796, d’une Ecole Centrale dans les locaux du collège (2). En 1802 les Ecoles Centrales sont transformées en Lycées impériaux. Le Grand-Collège prend le nom de Lycée Impérial puis celui de Collège-Royal à la Restauration pour prendre le nom de lycée après la Révolution de 1848 et en 1888 celui de lycée Ampère, nom  du savant et philosophe qui y enseigna. (4) Seul lycée public à Lyon jusqu’au début du XXe siècle, il  est aujourd’hui  lycée polyvalent régional.

 

L’actuel lycée Ampère occupe les bâtiments construits au XVIIe siècle par Etienne Martellange né à Lyon en 1569

De nombreuses personnalités ont été élèves ou professeurs, parmi lesquels : Louise LABBE, Charles Baudelaire, André-Marie AMPERE, Alphonse DAUDET, Edgar QUINET, Edouard HERRIOT,  Robert BADINTER,  Marcel MARECHAL, Bernard PIVOT…

Sources

(1) Le Collège de la Trinité-Histoire d’une Bibliothèque et de son Cabinet de Curiosités-Marion Bertin -Master 2014

(2) LYON, collège de la Trinité, ou «grand collège », collège de plein exercice -Marie-Madeleine Compère  -Dominique Julia- 1984

(3), Réforme et Contre-Réforme en France : le Collège de la Trinité au XVIe siècle à Lyon, Georgette Groêr 1995

(4) Archives 1993-historique du lycée

*Musée du diocèse de Lyon-

**Le père de la Chaise, devenu confesseur de Louis XIV , il bénéficia des largesses du souverain qui agrandit les propriétés des Jésuites pour constituer le premier cimetière civil de Paris.

 

 

 

 

 

Author: LaFicelle

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1 Comment

  1. En 1796 écrire École centrale du département du Rhône. Les bâtiments du Collège de la Trinité ayant été en grande partie rendus inutilisables (bombardements en 1793 et occupation par l’armée conventionnelle, la plus grande partie des cours de l’École centrale du département du Rhône, sont donnés dans la Maison Saint-Pierre, sauf peut-être le cours de dessin Ce n’est qu’en 1800-1801 que les cours vont réintégrer le Grand Collège. Le lycée de Lyon inauguré en juillet 1803 ne peut pas être impérial. Il est consulaire et même après la proclamation de l’Empire, on le désigne dans les archives sous la dénomination de Lycée de Lyon. C’est sous le second empire qu’il prend le nom d’impérial

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