A la recherche des mystères de l’Au-delà
Initié dès son plus jeune âge à la franc-maçonnerie, Jean-Baptise Willermoz a passé sa vie a essayer de percer les mystères de l’Homme et de l’Univers en recourant au mysticisme et à l’occultisme. Portrait de ce maçon.
Il est surprenant qu’il n’existe à Lyon aucune rue, aucune place, aucun pont à la mémoire de Jean-Baptiste Willermoz. La ville qu’on décrit souvent comme un haut lieu de la franc-maçonnerie et de l’occultisme ne rend étrangement pas hommage à ce « patriarche » de la franc-maçonnerie lyonnaise.
Né à Lyon en 1730, Jean-Baptiste Willermoz était négociant en soieries. Ses affaires étaient fructueuses.
La première loge maçonnique lyonnaise n’a que 6 ans d’existence quand il est initié à l’âge de 19 ans. A 23 ans, il crée la loge de la « Parfaite Amitié », dont il est élu Vénérable. Sa loge est reconnue trois ans plus tard par la Grande Loge de France. En 1760, il joue un grand rôle dans la formation de la grande loge des Maîtres réguliers de Lyon, dont il devient le Grand Maître. Il n’a alors que 30 ans…
Pourquoi devint-il franc-maçon ?
Alice Joly suppose deux motivations :
« il a pu être séduit par la réputation de cette société dans laquelle il est d’usage d’y fraterniser avec des membres distingués de la noblesse et de la haute bourgeoisie dans la plus parfaite égalité »
mais
« il a surtout été attiré par le prestige du secret maçonnique. Le silence que gardait toute l’institution au sujet de ses occupations semblait cacher un dépôt de connaissances importantes et par cela même désirables »***
« Il est à la recherche de nouveaux rites en poussant plus loin l’apprentissage initiatique pour découvrir le secret des mystères de l’au-delà ».* Il rencontre en 1767 Martinès de Pasqually, un mage théurge et est initié à Versailles à l’ordre des « Chevaliers maçons élus coëns de l’univers ». « D’après Pasqually, l’Homme, banni du paradis après la faute originelle, est physiquement enfermé dans une dépouille mortelle : il reste cependant un espoir de rédemption, et de réintégration de l’état divin : celui d’accéder à la perfection intérieure. Pour cela, le pêcheur doit se soumettre à un rituel minutieux permettant d’entrer en contact avec des entités angéliques, ces opérations étant cependant réservées aux seuls initiés, ou élus « coëns » (prêtres élus). »**
Issu d’une famille catholique, Willermoz ne considère pas la doctrine coën comme incompatible avec la foi chrétienne. S’il adhéra totalement et définitivement à la doctrine de Pasqually, il en alla différemment pour la structure maçonnique. L’honnêteté intellectuelle de Jean-Baptiste Willermoz l’a empêché de reconnaître avoir réussi une passe (opération consistant à recevoir un signe tangible d’un agent intermédiaire), malgré tous ses efforts et sa ténacité. Aussi, Pasqually s’éloigna de ce mauvais disciple et s’intéressa à de nouveaux adeptes plus efficaces. Willermoz en pris ombrage et s’éloigna de l’organisation Coens pour se rapprocher de la maçonnerie régulière en 1772 d’autant plus facilement qu’il était agacé par la pagaille régnant dans l’Ordre des Coens et la roublardise de Martines de Pasqually dans ses rapports financiers avec ses disciples. Pasqually meurt en 1774.
Willermoz se rapproche alors d’une société maçonnique allemande, la Stricte Observance Templière (SOT). Alors qu’il croit adhérer à une doctrine de même nature que celle qu’il a trouvée auprès de Martines de Pasqually, il se retrouve dans une obédience sans doctrine mais ayant un seul objet : la reconnaissance de la filiation templière et la restitution des biens de l’Ordre du temple. Il s’en rend compte, mais ne renie pas son adhésion.
En 1778 d’abord, à l’occasion d’un convent maçonnique réunissant les loges françaises qu’il organise à Lyon, le « convent des Gaules », en 1782 ensuite, dans un convent réuni à Wilhelmsbad, avec l’ensemble des loges européennes adhéreant à la Stricte Observance Templière, il fait adopter un nouveau système : le Rite écossais rectifié (RER).
L’objectif est le suivant : utiliser le squelette organisationnel de la SOT, en y ajoutant des grades issus de l’Ordre des élus Coens ( les Profes) et surtout en intégrant dans ces grades toute la doctrine Coens. La symbolique conserve la filiation templière, mais il n’est plus question de revendication matérielle.
Ce convent a marqué la franc-maçonnerie mondiale. Le RER existe encore aujourd’hui et est pratiqué par de nombreux maçons dans toutes les obédiences.
(Le convent de Wilhelmsbad, en 1782, validera le RER au niveau européen).
Quelques années plus tard, Willermoz se consacre au Magnétisme, discipline fondée par Franz Anton Mesmer. Cet autrichien, installé à Paris, pense que tous les corps minéraux, végétaux ou organiques sont soumis à des flux d’énergie dont la répartition harmonieuse garantie le bien-être. Il explique que tout homme peut guérir son prochain grâce à un fluide naturel par l’imposition des mains. « il provoque des transes ou des accès de somnambulisme chez ses patients et les guérit de maladies lors de séances collectives ».*
Pour Willermoz, cette expérience de somnambulisme peut être l’occasion d’atteindre la réintégration, à laquelle il tentait de parvenir durant ses années avec Pasqually. Il fonde un atelier dédié aux expériences de Mesmer, nommé La Concorde. « Durant ces premières années, La Concorde travaille en particulier avec un jeune sujet, Jeanne Rochette ; la jeune fille ne se cantonne pas à fournir des informations sur sa maladie, elle déclare avoir des visions de personnes décédées qui tentent par son intermédiaire d’atteindre les vivants. En 1785, il n’existe rien d’équivalent ; il faudra attendre une cinquantaine d’années pour que le terme « médium » sanctionne ce phénomène. »**
Rochette n’avait rien d’un médium, tout ce qu’elle disait dans ses prétendues crises, elle l’avait appris auparavant de son mari qui était un proche de JBW, et cela à l’insu de JBW.
Après le siège de Lyon en 1793, il est contraint de quitter Lyon quelques temps pour se cacher et éviter une arrestation. Il participera plus tard à la réorganisation des institutions détruites par la Révolution. Il devient alors l’un des cinq administrateurs chargés de reconstituer les œuvres de charité de l’Hôtel-Dieu et conseiller général du Rhône en 1800, jusqu’en 1815.
Il reprend ses activités maçonniques de 1804 jusqu’à sa mort en 1824.
Les archives de Willermoz sont en grande partie disponibles à la bibliothèque municipale de Lyon.
Plus localement, la famille Willermoz est connue pour avoir légué une partie de son terrain de la Croix-Rousse à la ville de Lyon pour la construction de l’église Saint-Bernard (voir La ficelle n°3).
Après la Révolution, les propriétés religieuses sont transformées en Bien nationaux. Jean-Baptiste et son frère Pierre Jacques acquièrent alors les terrains des Bernardines et des Colinettes, sur le versant Est de la colline de la Croix-Rousse. Dessous : les Arêtes de poisson.
La coïncidence est frappante. Willermoz, initié à la Stricte Observance Templière, qui revendique la filiation templière et la restitution des biens de l’Ordre du Temple, s’installe justement au dessus de ce réseau souterrain qui pourrait avoir été en lien avec les Templiers (voir article précédent). Pour Walid Nazim, auteur de l’Enigme des arêtes de poisson, la connaissance de Willermoz au sujet de ces souterrains ne fait aucun doute. D’autant qu’il a vendu à la Ville en 1819 un bastion au dessus de la porte Saint-Clair en stipulant, dans l’acte de vente, que « la Ville fermera les souterrains compris en la présente vente, de manière à laisser à Monsieur Willermoz ceux qui sont dans son clos et qu’il se réserve ».
Etrange…
* D’après le Dictionnaire historique de Lyon
** D’après l’article « Lyon, capitale de l’étrange », bibliothèque municipale de Lyon
*** D’après « Un mystique lyonnais et les secrets de la franc maçonnerie » d’Alice Joly