La brève histoire de la colonne du méridien

En même temps fontaine et méridien, la colonne et son histoire nous transportent au XVIIIe siècle sur la place des Cordeliers

Nous sommes en 1770, la place des Cordeliers n’a pas encore subi les grands travaux d’urbanisme qui modifieront sa physionomie au siècle suivant. Une place pittoresque où charrettes de foin et petites boutiques font image. Sur son flanc Est, la Maison du concert est toujours en place.

Construite à la demande des lyonnais grands amateurs de musique, elle servait de lieu chaque mercredi pour jouer de la musique ou chanter. Des concerts y étaient organisés, faisant appel à des musiciens professionnels lyonnais ou étrangers dont le jeune Mozart en 1766. En son milieu, face au couvent des Cordeliers et à l’église Saint-Bonaventure se dresse une colonne nouvellement construite. Cannelée et surmontée d’une statue, elle apporte un aspect décoratif à la fontaine réclamée  par les habitants qui jugeaient le nombre des puits insuffisants et la qualité de l’eau pas toujours satisfaisante.  Le piédestal de la colonne cache le mécanisme de la pompe qui déverse l’eau à travers un mascaron dans un petit bassin. La construction de la colonne ainsi que tous les détails de son ornementation furent confiés à l’architecte Gabriel Bugniet en  1764 qui lui-même fit appel au sculpteur Clément Jayet en 1768  pour la réalisation d’un chapiteau et celle de la statue d’Uranie couronnant le monument.  La muse de l’astronomie placée au sommet  de la colonne semble la prédestiner à sa fonction de cadran solaire car c’est en 1769 que l’architecte Jean-Baptiste Terrier est désigné pour le tracer sur la colonne qui ne sera plus seulement fontaine décorative mais  méridienne et permettra de repérer l’instant précis du midi solaire.  Un disque percé projette en même temps une ombre et une tache de lumière sur une ligne méridienne. Ici elle se situe sur la colonne et le disque percé est fixé sur la main d’Uranie.

 

C’est l’époque où  l’on règle les horloges à l’heure du soleil et où les cadrans solaires sont de mise dans de nombreux endroits des villes et des campagnes.  A Paris, au Palais-Royal un petit canon, soumis à l’action du soleil, lance une détonation au moment où le soleil rencontre le méridien pour avertir les habitants qu’ils peuvent régler leur montre au temps vrai. « Le midi vrai est l’instant où le centre du soleil est dans le méridien [..] Ce mouvement étant inégal, le temps vrai ne peut être uniforme. Une horloge bien réglée ne s’accordera avec le temps vrai que quatre fois dans l’année, et à tous les autres jours elle avancera ou retardera [ et  indiquera le temps moyen.[ NDLR ] »(1) A Lyon plusieurs cadrans solaires sont en fonction dans les endroits publics : Place Louis Le Grand (Bellecour), place Louis XVI (Liautey), au donjon de l’Hôtel de Ville…Certains sont construits en respectant la concordance entre les deux temps comme celui de la cour de l’Hôtel de Ville qui a une forme de 8 traversé par une ligne droite qui détermine le midi vrai. La colonne des Cordeliers possède un de ceux-là. De nombreux écrits  décrivent le monument comme un bel instrument de mesure du temps mais le citent aussi pour son soi-disant manque de fiabilité. En effet, l’arrondi de la colonne semble avoir posé des problèmes de calcul à l’architecte qui reconnait la difficulté dans la recherche du midi vrai. « Construire une méridienne sur une surface circulaire, sur une colonne dont le fût est composé de diamètres inégaux, sur une colonne cannelée qui a des parties creuses et d’autres saillantes : voilà, selon les connaisseurs, ce qu’il y a de plus difficile : car ici les méthodes ordinaires ne sont d’aucun secours». Attaqué dans un mémoire lu à  l’Académie des Science, Terrier se défend des accusations portées sur le manque d’exactitude de l’instrument. La méridienne des Cordeliers est accusée de retarder au moins d’une minute 20 secondes au solstice d’été et de 2 minutes 10 secondes à l’équinoxe. A cela l’architecte répond que les mesures qui ont été prises lors de ces vérifications ne sont pas recevables. Une succession de commentaires fusent de part et d’autre, chacun réfutant les arguments de l’autre, sans que l’on puisse donner tort ou raison  à l’architecte, ses calculs n’étant pas connus.


Précise ou pas, la colonne indique le midi pendant les trois quarts du siècle.  Les images la représentent fièrement dressée malgré la perte de la tête de sa muse. Uranie subit le vandalisme de la Révolution puis sert de symbole de la résistance canut en supportant le drapeau rouge de la révolte. Malmenée, la tête chute et ne sera jamais remplacée. Brisée ou volée, elle disparaît définitivement. Ne reste sur le chapiteau qu’un personnage décapité enveloppé dans ses draperies, soutenant toujours dans ses mains la tige métallique terminée par le petit disque du cadran solaire. Après les évènements de 1834 pendant lesquels des ouvriers en soie, qui avaient trouvé refuge dans l’église Saint-Bonaventure, sont massacrés par les forces de l’ordre, il est décidé de transformer les ruelles du secteur Cordeliers en grandes avenues. Une restructuration aura lieu, non seulement pour  embellir la ville mais pour éviter tous retranchements aux  récalcitrants dans le dédale des ruelles et impasses.
En 1858, les premiers travaux de démolition sont entamés. La place des Cordeliers va changer de physionomie. La maison des concerts disparaît pour permettre l’accès facile au pont Lafayette et la colonne du méridien subit le même sort. Malgré quelques solutions envisagées pour la déplacer sur une des places de la ville, ou préserver la statue, l’architecte René Dardel, nommé pour effectuer les travaux, décide de la supprimer : « J’ai fait, par motif de sûreté publique, démolir la statue d’Uranie sur la Colonne du Méridien, ainsi que le style en fer, les signes du zodiaque et toutes les parties qui menaçaient de se détacher… ». Les travaux de démolition et de reconstruction ne font que commencer. Le percement de la rue Impériale, la construction du Palais de la Bourse et la restauration de l’église Saint-Bonaventure vont dans le sens des travaux de prestige du XIXe siècle.La place des Cordeliers devient un carrefour très animé.
Hôtel de ville. Méridienne de temps vrai et de temps moyen, gravée et dorée, restaurée, ligne de midi vrai et courbe en 8, inscriptions, symboles zodiacaux, tripode à œilleton, [inv. SAF : 6990101-2] Restauration de 1990 de la méridienne datée (1786)  de Jean Villard, navigateur et mathématicien
Sources(1) SAINT OLIVE -la revue du lyonnais 1863-La colonne du Méridien(2) Michel Lalos -La colonne d’Uranie Fortis Voyage pittoresqueLyon silhouette d’une ville recomposée-Dominique Bertin et Nathalie Mathian

Author: LaFicelle

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