Lyon capitale mondiale du tissage de la soie
Au vu du timide intérêt que les autorités manifestent pour sauver le musée des tissus, la question de l’intérêt général se pose. La Ville de Lyon, ses habitants, ses dirigeants prennent-ils la mesure de l’importance de l’industrie textile à Lyon durant les quatre cent cinquante dernières années? Plus de quatre siècles de suprématie artistique et technologique ! Plus de vingt-cinq millions de pièces accumulées dans les réserves du musée qui peuvent témoigner. Cela mérite qu’on s’y intéresse.
.La soierie à Lyon en quelques dates
Le développement économique de Lyon prend son essor au XVIe siècle, en même temps que la création des ateliers de soierie.
Après l’instauration des foires annuelles au XVe siècle, Louis XI soucieux des bonnes finances du royaume, cherchait un moyen pour augmenter les revenus de la France. Les foires n’étaient que des lieux d’échange où les marchandises, dont la soie, transitaient et ne rapportaient rien. Pour pallier la sortie des devises, le roi décida d’implanter une manufacture de soierie dans la ville. L’idée fut mal perçue par les lyonnais à qui incombaient les frais d’organisation.
Plus tard, François 1er reprend l’idée mais sans les taxes. 1536, les premiers ateliers de tissage voient le jour. C’est le début de l’industrie de la soie et Lyon devient un lieu de passage obligé pour les soies à l’état brut. Véritable entrepôt, la ville supervise les provenances et les destinations. Lyon est devenu attractif. Les commerçants et les banquiers italiens s’y installent. L’obtention du monopole de la production de soie et la possibilité de pratiquer la sériciculture à l’intérieur du royaume vont lui permettre de concurrencer les productions italiennes et lui donner son statut de capitale européenne de la soie.
Catalogue de motifs de soies, musée des Tissus et des Arts décoratifsde Lyon.
La Fabrique lyonnaise composée de nombreux ateliers indépendants installés dans les quartiers de la presqu’ile, sur la rive droite de la Saône et dans les pentes de la Croix-Rousse, est spécialiste des tissus unis : taffetas, satin, velours, drap d’or et d’argent…
Au début du XVIIe siècle, Claude Dangon monte les premiers métiers « à la grande tire » qui favorisent la confection des tissus façonnés dont le décor est réalisé au cours du tissage, puis c’est au tour du négociant lyonnais, Octavio Mey, d’innover dans le lustrage des soies. Lyon acquiert sa réputation de qualité grâce à la créativité des dessinateurs et le savoir-faire des tisseurs. Les plus belles étoffes se fabriquent à Lyon, Versailles étant la vitrine du savoir-faire lyonnais. Les souverains de toute l’Europe, l’aristocratie, le haut clergé commandent leur portrait tissé, des brocards pour les manteaux de cour, les chasubles et costumes d’apparat, des satins brochés pour l’ameublement des châteaux et palais, des soies brodées pour les robes de cour…La Fabrique lyonnaise est à son plus haut niveau.
Malgré cette euphorie créative, la situation économique de Lyon au début du XVIIIe siècle n’est pas brillante. Guerres, modes et climat sont autant de facteurs néfastes pour la Fabrique. La baisse des commandes de la cour de Louis XIV et la concurrence des pays anglo-saxons (la mode est aux cotonnades « indiennes ») entraînent une période de non vente. Ces changements ajoutés aux mauvaises récoltes et à la montée des prix des denrées alimentaires, entraînent le chômage et la famine. Des tarifs trop bas pour des ouvriers affaiblis provoquent des émeutes. 1786 marque le début de la révolte des ouvriers en soie. La période de la Révolution ne va pas non plus favoriser la hausse des commandes. De nombreux ateliers arrêtent leur activité..
Robe de soie du xviiie siècle. Musée des Tissus et des Arts décoratifs de Lyon.
Bonaparte de passage à Lyon pendant sa campagne d’Italie, constate l’état de désolation de la soierie lyonnaise. Pendant toute la durée de son règne il va encourager la Fabrique à reprendre ses activités. De nombreuses commandes d’Etat, des concours dotés de prix, dont Jacquard est l’un des bénéficiaires pour l’invention du métier à tisser automatique à carte perforée, contribuent à la relance de l’industrie textile.
Le XIXe siècle retrouve une grande activité de tissage qui nécessite la création de nouveaux ateliers. Le quartier de la Croix-Rousse va subir une vague de constructions-logements hauts de plafond pour abriter les tisseurs et les nouvelles mécaniques volumineuses. Le métier Jacquard adapté au tissage du tissu façonné va redonner son haut niveau à la soierie lyonnaise. Les commandes de l’Eglise et de l’Etat affluent. C’est le début de l’industrialisation et la création des premières usines de tissage. Elle dépasse toutes les autres industries soyeuses d’Europe par la qualité de la production et ses exportations. Du début du XIXe siècle jusqu’à son dernier tiers, le nombre de métiers et la quantité de soie importée sont multipliés par dix. Une progression qui place Lyon en position de capitale mondiale de la soie.
Dalmatique
Vêtement liturgique Portrait tissé de Joseph-Marie Jacquard par Carquillat (vers 1839).
La production de soie augmente mais au détriment des conditions de vie des tisseurs. Qualité du produit et rendement, deux objectifs qui vont peser lourd sur le dos des tisseurs. Les ouvriers en soie, nommés canuts, sont propriétaire d’un ou plusieurs métiers à tisser mais travaillent pour un fabricant-négociant qui fournit la chaîne, les trames, les cartons, et le travail. Le fabricant paie à la pièce finie. Un travail harassant pour des tarifs trop bas déclenchent les révoltes de la faim de 1831 et 1834, suivies par d’autres jusqu’en 1848. Des révoltes sévèrement réprimées
C’est le début d’un grand mouvement social. La Fabrique, l’ensemble des activités des métiers de la soierie, crée Caisses de solidarité et Coopératives afin d’aider les ouvriers et leur famille à survivre. Des innovations qui vont influencer la pensée sociale de la fin du siècle.
Les révoltes et la loi du marché incitent certains fabricants à délocaliser leurs usines. Les campagnes environnantes offrant un personnel moins coûteux et moins exigeant permettent à ceux-ci d’obtenir le rendement nécessaire à la production.
Le XXe siècle marque des changements. La technologie évolue, la mode change, les textiles aussi. L’électricité remplace les bras, le goût est au tissu uni, la soie devient artificielle, les tissus synthétiques rayonnent. Jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale, un grand nombre d’usines participent à Lyon et dans la région encore aux 2/3 de la production française. Robe en soie et velours de soie Christian Dior, présentée au musée d’art d’Indianapolis.
Aujourd’hui les ateliers de tissage ne se comptent que sur les doigts d’une seule main pour la soierie de luxe, mais redeviennent compétitifs dans le domaine de l’industrie : tissus techniques dans l’ agriculture (filets de ramassage, filets anti-insectes ..), le sport (tissu pour gilet d’escrime, toiles de parachute..), tissus métalliques, rubans et fils conducteurs, tissage à façon pour l’aéronautique et le nucléaire (tissage 3D de la fibre de carbone)…
Une entreprise au service du design et de la mode
Semaine d’intégration du BTS Design de Mode option Textile pendant le FITTE de Clermont-Fd
déploiement de textiles variés Des interventions urbaines in situ ont été mises en oeuvre par les étudiants de la Martinière-Diderot durant une journée de workshop, le jeudi 26 septembre.
Si Lyon n’est plus la capitale de la soie, elle n’en garde pas moins les traces. Pourquoi ne pas l’aider à conserver sa mémoire soyeuse qui est aussi celle de l’excellence française ?
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