D’après*CLAIR TISSEUR / Nizier du Puitspelu (Coupons d’un atelier lyonnais)-1888
Les collégiens d’aujourd’hui « ne connaissent pas leur bonheur. Ils sont choyés, dorlotés, mijotés, accagnardés pour les soins du corps : affriolés « achattis » à l’instruction. On fait pour eux de beaux livres avec des images pour rendre la lecture aimable, et à seul fin que les objets se gravent mieux dans leur mémoire. » Cela n’a pas été toujours le cas. Les peintures d’Herculanum montrent des traitements musclés envers les récalcitrants : sur le dos d’un camarade, bras et jambes entravés par d’autres, le fautif reçoit force coups de fouet sur toute la longueur du dos. Le moyen-âge n’a pas amélioré le système punitif. C’est à l’époque de la Renaissance que les pratiques commencèrent à être dénoncées. Montaigne considérait le collège comme « une vraie geôle de jeunesse captive. Vous n’y oyez que cris d’enfants suppliciés et de maîtres enyvrés en leur colère » et Rabelais d’ajouter « si j’estais Roy de Paris, le diable m’emporte si je ne mettroys le feu dans le collège, et feroys brusler et principal et régents qui endurent cette inhumanité devant leurs yeux estre exercée. »
L’usage des corrections ne s’arrêta pas pour autant. Des places de correcteurs furent créées pour exécuter les sanctions. Néanmoins, par souci de santé des élèves, le correcteur ne fouettait « que » la partie fessue de l’individu. Il était remis à l’élève fautif un « bon de correction »* qu’il devait faire signer après avoir été fouetté, sans oublier de baiser la main du correcteur pour le service rendu.
Les Oratoriens, dirigeant le Collège au XVIIIe siècle, ne dérogeaient pas aux pratiques des sanctions corporelles et prenaient aussi « soin » du corps des enfants afin qu’ils puissent lutter, dans leur vie d’adulte, contre toutes les agressions, à commencer par celles du froid et du chaud : pas de lainage, été comme hiver, tout comme la literie, une seule couverture de laine. L’uniforme des élèves consistait en un habit bleu aux parements rouges, une culotte courte, bleue elle aussi, un long gilet de coton, un col blanc doublé de cuir pour avoir le menton toujours relevé, et des bas de fil. Dans la même logique, la salle de classe n’était pas chauffée, seule la salle d’étude pouvait l’être en cas de grands froids à raison d’un poêle pour quatre-vingts élèves.
Pas de vacances pour les pensionnaires. L’enfant entrait à 10 ans et en ressortait à 18. Pas de liens avec la famille (principe d’éducation des Oratoriens)
Deux fois par semaine, les élèves étaient « dresser à l’exercice » : entraînement au caractère militaire…et deux fois par an une promenade en armes était organisée, avec sabres et fusils et musique militaire qui quelquefois tournait au pillage chez les paysans. Des sanctions, jugées par certains pas tout à fait à la hauteur des actes, furent infligées aux fautifs à raison de quinze jours passés à genoux au milieu du réfectoire la tête couronnée de plumes de dinde.
Charles BAUDELAIRE, l’un des pensionnaires du Grand-Collège ne garde pas un souvenir réjouissant de son passage dans l’établissement, où il entre comme pensionnaire entre 11 et 15 ans: « Je me déplais horriblement à la pension, elle est sale, mal tenue, en désordre, les élèves [sont] méchants et malpropres comme tous les lyonnais […] On s’ennuie au collège, surtout au collège de Lyon. Les murs en sont si tristes, si crasseux et si humides, les classes si obscures, le caractère lyonnais si différent du caractère parisien ! […] A Lyon, une seule boutique pour les beaux livres, deux pour les bonbons et les gâteaux, ainsi du reste »*.
*Baudelaire et Lyon, histoire d’une obsession- Bernard Plessy- 2004